La presse magazine fournit de nombreux métiers à tous les passionnés de mode. Mais de tous ces métiers, celui de rédactrice en chef est le plus prestigieux. Voici pourquoi. Tout d’abord, il suppose une culture mode et textile exemplaire. C’est le strict b.a.-ba quand on prétend dialoguer avec les créateurs, comprendre leurs collections et les décrypter auprès du grand public. D’ailleurs, il n’est pas rare que la rédactrice en chef soit elle-même une styliste émérite. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi une vision à 180 degrés sur toutes les composantes de la profession. C’est-à-dire qu’il faut à la fois pouvoir travailler d’un côté avec des artistes (les créateurs mais aussi des graphistes, des journalistes, des photographes et des écrivains), et de l’autre côté avec des dirigeants d’entreprises, des commerciaux. Le tout en donnant à l’ensemble une cohérence, un style, une « patte » à la fois lisible, cohérente, et surtout singulière et inspirante. Bref, il faut savoir imposer sa vision et élever sa propre voix dans un monde complexe en sachant jongler avec des impératifs parfois contradictoires et néanmoins puissants.
Helena Tejedor est rédactrice en chef mode du magazine Jalouse. Un magazine français de premier plan, à la signature forte et immédiatement reconnaissable, édité par un puissant groupe de presse, le Jalou média Group, dont l’activité est quasi exclusivement centrée sur la mode, l’art de vivre en général et le luxe en particulier. Ce groupe conjugue la double caractéristique d’être à la fois un groupe familial, d’autant plus réactif qu’il est totalement indépendant, mais aussi d’éditer le plus ancien magazine de mode français : L’Officiel, qui est né en 1921 (il a fêté son numéro 1000 cette année) et dont l’essence précieuse se décline dans le monde entier puisque le magazine et ses satellites disposent de 30 éditions étrangères dans plus de 20 pays.
Helena est parfaitement en phase avec son époque. Elle a 27 ans, une curiosité sans cesse aux aguets, une énergie vitale remarquable mais aussi une extraordinaire capacité à exprimer son point de vue avec clarté et lucidité. On sent immédiatement qu’elle fait partie d’une génération qui s’adapte sans se contraindre : son travail s’en ressent et ses nombreux éditos, réalisés aussi bien pour l’Officiel que pour l’Officiel Hommes ou pour Jalouse ont instantanément témoigné l’heureuse influence des photographes américains qui l’ont inspiré (la plupart des années 60/70/80 : Stephen Shore, Joel Sternfeld, William Eggleston, Wim Wenders entre autres) tout en manifestant un sens du style plein d’allégresse, une fraicheur sans emphase, qui ont séduit l’ensemble de la profession tout en suscitant l’engouement d’une grande communauté de fans. Rien d’étonnant à ce que la crème des directeurs artistiques qui composent la nouvelle scène créative parisienne fassent partie de son cercle d’amis proches.
Sa scolarité, riche et foisonnante, éclaire ce joli parcours. Avant d’intégrer Esmod (promotion 2010), Helena passa son Bac International au International School of Toulouse, « puis je suis retournée à Madrid ou j’ai fait une année de mode au IED (instituto Europeo di Design). Une vocation précoce. « J’ai toujours dessiné, et j’ai toujours aimé travailler avec mes mains. Ma mère m’amène voir des musées depuis que je suis petite, je pense que c’est ce qui a éveillé l’envie de faire quelque chose de créatif dans ma vie ». Le travail manuel, Helena eut l’occasion de l’exercer rue de la Rochefoucauld même si elle confesse avoir peiné sur certaines matières : « J’avais beaucoup de mal avec le modélisme ! Je suis très mauvaise en maths et ça demandait une précision et une patience qui m’ont fait passer beaucoup de nuits blanches ! »
Remarquée pendant son stage de fin d’année
Cette précision et cette patience nécessités ces travaux difficiles et ardus, loin d’entamer sa détermination, renforcèrent surement son exigence et sa rigueur lorsqu’il fallut plus tard raconter des histoires personnelles tout en s’appuyant, avec rigueur, sur les grands fondamentaux de l’allure. « A la fin de ma scolarité Esmod, je sus que le métier de créateur n’était pas pour moi et je décidai alors de faire mon stage de fin d’année chez Karla Otto (un bureau de presse de grande envergure. Sa fondatrice, Karla Otto a même été élu parmi les 500 personnalités les plus importantes du monde de la mode par la revue professionnelle Business of Fashion, ndlr). C’est là que je fis connaissance avec Virginie Trapenard, aujourd’hui International press director chez Givenchy ».
Cette grande professionnelle apprécia visiblement les qualités de sa jeune stagiaire au point de penser à elle lorsqu’une opportunité de poste très intéressante se présenta : « Elle m’a appelé un jour car ils cherchaient une assistante à l’Officiel. Je lui dois beaucoup, car c’est à partir de ce jour-là que ma carrière a démarré ». Le talent, l’énergie et la grande capacité de travail d’Helena firent le reste. « J’ai été assistante de la rédactrice en chef pendant deux ans, puis j’ai commencé à faire des séries photos ». Une expérience heureuse qui se poursuit au sein du groupe Jalou dans plusieurs titres (le groupe a l’immense avantage de proposer de nombreuses revues consacrées aussi bien à la mode féminine que masculine, l’art, l’horlogerie ou le voyage. « Après avoir passé une année aux côtés d’André Saraiva en tant que rédactrice en chef mode de l’Officiel Hommes, j’ai pris mes fonctions en tant que rédactrice en chef mode au Jalouse en septembre dernier ». Une nomination qui la comble de joie, d’autant plus qu’elle coïncide avec le lancement d’une nouvelle formule originale et créative : « C’était mon magazine préféré depuis le début, je suis aux anges ».
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