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Ayoub Mounen, artiste made in exil

Au croisement des beaux-arts et de l’art appliqué, les créations d’Ayoub Mounen, ancien étudiant d’Esmod Tunis, dépassent les frontières du vêtement pour toucher à toutes les disciplines.




La collection « Reborn » présentée au Bastille Design Center à Paris avait marqué les esprits en septembre dernier. Collection ? Performance plutot tant le travail d’Ayoub Mounen s’appuie au moins autant sur le processus que sur la production finale. Performance dans le geste créatif consistant à réédifier les constructions existantes pour montrer ce qui est caché, décortiqué pour mieux appréhender l’essence. Performance également dans la théâtralisation de l’espace : dans le cadre de cette présentation, l’artiste tunisien né en 1991 se dévoilait littéralement sur scène avec 30 performeurs.


Ayoub Moumen est le créateur et le directeur artistique de la marque de vêtements Refuge Engaged Wear (R.E.W Paris) qui a remporté le 3e Prix des E-fashion awards en 2018. Un nom qui claque et qui raisonne comme un manifeste. Une mise à nu également. Les thématiques des collections sont des miroirs devant lesquels le créateur parle de lui, de l’exil, de son identité personnel et politique. Dans cette mise à nu, les étoffes jouent leur partition : recyclés, ils obtiennent (eux aussi ?) une deuxième chance, un nouveau départ. Quant à la technicité, elle adopte elle aussi sa propre grammaire qui, à grands coups de ciseaux, parle avec éloquence, de l’intégrité du corps.


A tel point qu’on en vient à douter du véritable métier du jeune trentenaire, tant son activité se joue aux frontières des beaux-arts et des arts appliqués. Et si au fond Ayoub Moumen n’était pas designer mais plutôt plasticien ? Et si au fond il avait voulu apprendre le vêtement pour être artiste ? Dans une remarquable interview accordée au magazine Artistikrezo, l’artiste explique les raisons qui le pousse à désenclaver les disciplines : « Je creuse plus loin qu’un vêtement ou de ce que veut dire un vêtement. C’est l’accomplissement de plein de supports différents qui t’emmène à sa création. Quand tu es artiste tu es libre de passer toute ta vie dans ta discipline, mais tu as aussi la possibilité de te permettre d’utiliser tous les supports autour de toi. Il faut s’en donner la permission, parce qu’on est dans une société où l’on te demande de rester dans ton petit cube de confort. Pour moi, c’est complètement abstrait qu’un artiste ne sorte pas de sa discipline, qu’il ne touche pas à la vidéo, au son… Un simple bruit de ciseau coupant un tissu peut me permettre de visualiser une image, un tableau qui deviendra performance. »



Performance, le mot revient toujours. C’est par la voie de l’expression scénique qu’une fois encore, avec justesse, le créateur a exprimé avec sa dernière œuvre qu’il présentait à l’Atelier des Artistes en Exil, un espace de travail créé en 2017 par la metteuse en scène Judith Depaule, aujourd’hui hebergé rue d’Aboukir à Paris où l’atelier partage l’immeuble avec un centre d’hébergement d’urgence d’Emmaüs Solidarité. Dans cet atelier qui a également ouvert une antenne à Marseille, plus de 200 artistes, de toutes origines, tous champs disciplinaires confondus, sont accompagnés dans leur restructuration et dans leur mise en relation avec le réseau professionnel. « Pour cette présentation j’ai voulu parler du désordre, car on vit tous un véritable désordre intérieur ! J’y ai présenté plusieurs vidéos, dont certaines que j’avais déjà utilisées pour la performance « On marche sur des œufs » réalisée au Subsistance à Lyon en 2020, et d’autres où je parle du désordre à travers un texte que j’ai écrit. Le vêtement créé un personnage, comme sur scène ou à l’opéra. Je pense tout le temps à l’opéra, mon rêve serait de mettre en scène un opéra alternatif. »



C’est à Esmod Tunis qu’Ayoub Moumen a forgé son apprentissage. L’enseignement prodigué par le groupe convenait à la demarche necessairement transversal du créateur plasticien « Avoir un diplôme est rassurant pour les parents surtout. Et c’est pour ça que j’ai fait Esmod, et c’était la seule chose qui se rapprochait vraiment de ce que je voulais faire dans ma tête. Ça me suffit d’avoir une pratique manuelle qui est très artisanale et très artistique ». Un enseignement que l’artiste ne complètera pas par d’autres formations mais par la pratique : « Je suis assez avant-garde, je me détache du passé au maximum dans l’histoire de l’art, et dans ma vie personnelle également. C’est le même cheminement. L’artiste et la personne c’est la même chose, on ne peut séparer les deux. C’est un processus intérieur et personnel, du coup pas besoin d’être diplômé dans l’art contemporain pour faire de l’art contemporain. Il y a plein d’autodidactes. Ce qui fait qu’une œuvre fonctionne ou non c’est si elle est honnête, si elle sort de la personne. »



Plus d’infos sur l’Atelier des Artistes en Exil :


https://aa-e.org/fr


« La simplicité que je recherche est tout à côté de la complication et cette frontière est si mince, si fragile. »

De la fragilité naît NO BORDER PROJECT. De l’absence des frontières naît l’imaginaire. Les frontières sont imaginaires ! NO BORDER est un projet « MADE IN IMMIGRATION » Est un camaïeu d’idées... un mélange hybride. Un dialogue vestimentaire minimaliste. NO BORDER : est une installation de langage vestimentaire engagé.


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