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Photo du rédacteurPatrick Cabasset

Mathilde Baratte, Productrice et diplomate au service de la mode

Dernière mise à jour : 20 juil. 2020

Productrice photo et vidéo pour le print (presse et affichage) et le digital, Mathilde Baratte ne regrette pas sa formation de Styliste-Modéliste à Esmod. Même si aujourd’hui elle n’en utilise pas tous les acquis techniques, l’école lui a permis de mettre un premier pied dans l’univers professionnel de la mode. Mais elle lui a surtout donné accès à tous les codes sans lesquels elle n’aurait pu faire carrière.


Mathilde Baratte sur le set d'une campagne de publicité Louis Vuitton en janvier dernier

Originaire du Nord de la France, une région ou mode et textile sont à la fois une tradition et une industrie, Mathilde Baratte a toujours exprimé une sensibilité à la mode. « Ma grand-mère me faisait mes vêtements avec sa machine à coudre. Petite, je me déguisais tout le temps. C’est elle qui m’a abonné aux magazines de mode lorsque je suis devenue ado. » Magazines auxquelles elle allait bientôt participer activement à travers la production de leurs séries mode puis de leur plus grandes campagnes de publicité.

« Entre 1998 à 2001, j’ai suivi une formation de styliste-modéliste. Les deux premières années à Esmod Roubaix, puis la dernière année à Esmod Paris. Après l’école j’ai immédiatement fais des stages et c’est comme ça que j’ai trouvé ma voie. »

Ses premiers stages formateurs s’effectuent dans des services de presse mode, comme celui du créateur de chaussures Patrick Cox. De 2006 à 2007, elle devient l’assistante de l’une des meilleures consultantes photos du Vogue Paris, Marie Amélie Sauvé. « Là, mes envies de carrière ce sont éclaircies et précisées. Cette styliste photo avait deux bureaux, un au magazine, ce qui m’a permis de mettre un pied dans la presse, et l’autre indépendant afin de gérer ses autres projets. Moi, j’étais à la fois sa deuxième assistante styliste et son assistante personnelle. A Vogue j’ai pu observer de près comment les gens travaillaient et s’organisaient à la production. Ce qui est vraiment devenu évident, c’est mon envie de me tourner vers ce secteur. Au bout d’un an, je n’étais pas vraiment épanouie en tant que styliste, mais la production, ça me parlait. J’ai demandé des conseils à la direction de la prod du Vogue. L’une des assistantes venait de démissionner, j'ai donc été engagée à l’essaye pour trois mois, en accord avec Carine Roitfeld et Emmanuelle Alt à l’époque. Et ça c’est concrétisé ! Simple assistante à la production et au casting au départ, j’y suis resté 6 ans à produire les séries photo de Vogue, mais aussi celles du Vogue Homme et du supplément Enfants. »


Joie de vivre et détermination est sans doute ce qui caractérise le mieux Mathilde

Faute de perspective d’évolution –un problème central de la plupart des entreprises françaises- et bien décidée de tester d’autres expériences, Mathilde se met ensuite au service de l’une des plus grandes agences de talents de mode : Art + Commerce. Gérant des profils créatifs de véritables stars comme Paolo Roversi, Patrick Demarchelier ou Steven Meisel, cette agence lui confie le suivi des post-productions du photographe Karim Sadli qui débutait, mais aussi les productions du maquilleur Peter Philips, qui est depuis devenu directeur de la création et de l’image du maquillage chez Christian Dior.

« Ensuite j’ai décidé de devenir indépendante, poursuit-elle. Je voulais diversifier mon travail et avoir davantage de liberté. Mais à la base j’avais ce goût de l’entrepreneuriat. C’est tellement enrichissant d’être indépendante ! On touche à tout, c’est plein de challenges, ça permet de rencontrer beaucoup plus de gens et d’aller explorer tous les aspects d’une profession. En indépendant, on accède aussi à la liberté de dire non, même si ça n’arrive pas souvent. Mais c’est très satisfaisant quand on peut se le permettre. Une chose qu’on ne peut pas faire lorsqu’on est salarié… On a moins de stabilité évidemment en indépendant, mais j’adore l’adrénaline que ça fabrique, c’est dans mon caractère. J’aime prendre des risques. »


Séance photo au Maroc

Activant son réseau personnel, Mathilde commence à produire pour le magazine Glamour, puis fait rapidement du contenu de marque (brand content) pour d’autres clients. Bientôt c’est la maison Louis Vuitton qui l’engage régulièrement, principalement sur les productions de mode masculine. Viendront aussi les secteurs parfums et haute joaillerie du navire amiral de LVMH. Jusqu'à travailler récemment pour cette marque quasiment à temps plein.

Bloquant l’essentiel du travail de production, la crise sanitaire du Covid-19 lui a permis de récupérer de l'énergie (yoga aidant) après une année particulièrement intense. Aujourd’hui une reprise d’activité plutôt lente se fait jour, compliquée par des mesures sanitaires indispensables : équipes réduites sur les plateaux de tournages, gestes barrières, etc. Ce qui n’a pas empêché Mathilde Baratte de décrocher un contrat de production photo et vidéo début juillet auprès de l'une des plus grandes maisons de mode et de haute couture française.

Planet Esmod : Votre métier semble relativement éloigné de votre formation professionnelle. Que vous apporte cependant votre diplôme de styliste-modéliste ?

Mathilde Baratte : Esmod a surtout développé ma sensibilité à la mode. Un outil indispensable ! L’Ecole m’a aussi mis le pied à l’étrier : ma première année d’expérience professionnelle je l’ai faite avec une vraie styliste mode. Ce qui m’a ouvert les portes vers la production.

Grâce à ma formation, lors des séances photo je regarde toujours le vêtement : si il est bien mis, si il n’y a pas de plis, etc. Je sais que c’est le rôle de la styliste, mais parfois mon regard est utile aussi. D’autant que les stylistes photo n’ont pas toujours eu de formation de mode ou textile approfondie. Ce sont des petits réflexes et je ne peux pas m’en empêcher. Mais sur tous les shooting, il faut aussi tout simplement comprendre le langage des stylistes et photographes, ce dont ils et elles ont besoin. Cela parait évident, mais on s’aperçoit vite que non. La mode est parfois un monde à part… Moi, je comprends les codes, je sais de quoi on parle. C’est donc moins technique que ce j’ai appris à l’école, mais ce n’est pas moins utile.

Les milieux de la mode et du luxe sont très concurrentiels. Il ne faut donc pas seulement être bon, il faut essayer d’être le/la meilleur(e) !

P. E. : Aujourd’hui, comment peut-on devenir producteur ou productrice photo et vidéo ?

M. B. : Il y a toujours peu d’écoles pour ça. Et seul le terrain me semble formateur. Moi à l’origine je n’imaginais pas du tout faire ce métier, mais comme je suis curieuse, j’ai pu explorer toutes les facettes des différents métiers de la mode dès mes premiers stages. Hors, la production est vraiment ce qui correspondait le plus à ma personnalité. Mais il faut avoir le caractère pour ça. Ce métier est en effet stressant, il faut être très souple et flexible afin de s’adapter aux demandes de chacun, tout en restant dans le budget. On se retrouve souvent dans des situations impossibles, avec des demandes délirantes qui ne rentrent pas dans ce budget. Notre rôle est donc de trouver des solutions en permanence. Et d’expliquer aux créatifs les limites de la réalité... C’est un vrai travail d’équilibriste et de diplomate à la fois.

Ce métier fait parfois rêver les gens vu de l’extérieur, mais il est très intense dans la pratique. Ne serais-ce que les amplitudes horaires lors des productions. Et lorsqu’un problème survient, on est souvent le punching ball au centre du champ de bataille. Travailler dans l’univers du luxe c’est accepter de collaborer avec des gens très exigeants, dans des situations parfois difficiles. Mais à côté de ça il y a aussi un confort souvent appréciable. Et dans la plupart des entreprises comme chez Vogue le respect et la bienveillance restent de mise.


Ambiance shooting à Paris

P. E. : Le métier de producteur a aussi beaucoup évolué récemment, non ?

M. B. : Oui, désormais parallèlement aux contenus photos, on fabrique des contenus vidéo, pour la publicité et les réseaux sociaux. C’est devenu une partie essentielle des shootings de mode. Il faut s’adapter à ces demandes, même si la vidéo n’était pas à l’origine quelque chose que je maîtrisais autant que la photo. Par exemple en post production, il y a davantage de travail sur la vidéo.

P. E. : Quels sont vos projets aujourd’hui ?

M. B. : J’aimerais désormais transmettre mon expérience professionnelle auprès d’étudiants, sous forme d’interventions ponctuelles pourquoi pas ? Ainsi, lorsque je suis rentré à Esmod, ma nature très optimiste me faisait rêver à un idéal trop abstrait… La réalité du monde du travail m’a cependant vite réveillée ! C’est ça que j’aimerais transmettre.

P. E. : Quels conseils donneriez-vous aux étudiants actuellement à Esmod ?

M. B. : Restez curieux ! Il faut s’ouvrir à tout ce qui vous entoure, aller dans les musées, au cinéma, etc. C’est ma curiosité qui m’a amené à ce que je suis. Il faut aussi rester positif, ne jamais baisser les bras face à l’adversité, faire preuve de ténacité et s’accrocher dans ce milieu qui ne fait pas toujours de cadeaux. Il ne faut pas non plus avoir peur d’aller frapper aux portes, il n’y a pas de honte à avoir du culot. Et aussi, il faut parler anglais ! Aujourd’hui le monde de la mode est international et sans un anglais courant efficace, on ne peut rien faire.

Enfin, les milieux de la mode et du luxe sont très concurrentiels. Il ne faut donc pas seulement être bon, il faut essayer d’être le/la meilleur(e) !



 

Mathilde Baratte, Producer and diplomat at the service of fashion


Photo and video producer for the press and digital, Mathilde Baratte has no regrets about her education as a fashion designer and pattern maker at Esmod. Even if today she does not use all her technical skills, the school has enabled her to make her first step into the professional world of fashion. But above all, it gave her access to all the knowledge that was necessary for her career.


Originally from the North of France, a region where fashion and textiles are both a tradition and an industry, Mathilde Baratte has always expressed her love for fashion. "My grandmother used to make my clothes with her sewing machine. As a child, I used to dress up all the time. She was the one who subscribed me to fashion magazines when I became a teenager". Magazines in which she was soon to take an active part through the production of their fashion series and then their biggest advertising campaigns.


“From 1998 to 2001, I studied to become a fashion designer. The first two years at Esmod Roubaix, then the last year at Esmod Paris. After school, I immediately started my internship and that's how I found my way.”

Her first internships were in fashion press departments, such as that of a shoe designer Patrick Cox. From 2006 to 2007, she became the assistant to one of the best photo consultants at Vogue Paris, Marie Amélie Sauvé. "There, my career desires have been clarified and defined. This photo designer had two offices, one at the magazine, which gave me a taste of the press, and the other freelance to manage her other projects. I was both her second assistant designer and her personal assistant. At Vogue I was able to observe closely how people worked and organized themselves in production. What really became obvious was my desire to enter this sector. After a year, I wasn't really thriving as a stylist, but production spoke to me. I asked for advice from the production department at Vogue. One of the assistants had just resigned, so I was hired on a trial basis for three months, in agreement with Carine Roitfeld and Emmanuelle Alt at the time. And that's what happened ! At the beginning I was just an assistant to the production and casting, and I stayed there for 6 years producing the photo series for Vogue, as well as those for Vogue Homme and the Enfants magazine. »


Lacking any prospect of evolution - a central problem for most French companies - and determined to try out other experiences, Mathilde then joined one of the biggest fashion talent agencies: Art + Commerce. Managing the creative profiles of real stars such as Paolo Roversi, Patrick Demarchelier or Steven Meisel, this agency entrusted her with the follow-up of post-productions of photographer Karim Sadli who was just starting out, but also the productions of make-up artist Peter Philips, who has since become director of creation and image of make-up at Christian Dior.


“Then I decided to become independent, she continues. I wanted to diversify my work and to have more freedom. But at the heart of it all I had this entrepreneurial spirit. It's so rewarding to be independent! You get to experience everything, it's full of challenges, you get to meet a lot more people and explore all the aspects of a profession. Being independent also gives you the freedom to say no, even if it doesn't happen often. But it's very satisfying when you can afford it. One thing you can't do when you're an employee... You obviously have less stability as a freelancer, but I love the adrenaline it gives you, it's in my character. I like to take risks. »


Using her personal network, Mathilde started producing for Glamour magazine, then quickly made brand content for other clients. Soon it was the house of Louis Vuitton that hired her regularly, mainly for men's fashion productions. The perfumes and high jewelry sectors of the LVMH flagship will also come on board. Until recently, she worked almost full-time for the brand.


Blocking most of the production work, the health crisis of the Covid-19 allowed her to recover some energy (thanks to yoga) after a particularly intense year. Today a rather slow recovery of activity is beginning to take place, complicated by indispensable sanitary precautions: reduced teams on the filming sets, barrier measures, etc. This did not prevent Mathilde Baratte from winning a photo and video production contract at the beginning of July with one of the biggest French fashion and haute couture houses.


Planet Esmod : Your profession seems relatively far from your professional education. But what did you get out of your diploma as a fashion designer?


Mathilde Baratte : Esmod has mostly developed my sense of fashion. An indispensable tool! The school also gave me an opportunity to put my foot in the door: my first year of professional experience I did it with a real fashion designer. It has opened the gates to production for me.

Thanks to my training, during photo shoots I always look at the garment: if it's well put together, if there are no creases, etc. I know that this is the role of the designer, but sometimes my vision is useful too. Especially since photo designers don't always have an in-depth fashion or textile training. These are little reflexes and I can't help it. But on all shoots, it's also important to understand the language of the stylists and photographers, what they need. It seems obvious, but you soon realize that it's not. Fashion is sometimes a world apart... I understand the codes, I know what we're talking about. So, it's less technical than what I learned in school, but it's really useful.


P. E. : How does one become a photo and video producer today?

M. B. : There's still no school for that. Only the real work can teach you. Originally, I never imagined that I would do this job, but as I'm curious, I was able to explore all the different facets of the different fashion professions from my first internships. But production is really what corresponded most to my personality. You have to have the character for that. This job is indeed stressful, you have to be very flexible and adaptable to meet everyone's demands, while staying within the budget. You often find yourself in impossible situations, with crazy demands that don't fit into the budget. Our role is therefore to find solutions on an ongoing basis. And to explain to creative people the limits of reality... It's a real work of balance and diplomacy at the same time.

This job sometimes makes people dream looking from the outside, but it is very intense in practice. Even if it is only the time span during the productions. And when something goes wrong, we are often the punching bag in the middle of the battlefield. Working in the world of luxury means accepting to collaborate with very demanding people, in sometimes difficult situations. But on the other hand, there is also an often-appreciable comfort. And in most companies like Vogue, respect and kindness remain the order of the day.


P. E. : The profession of producer has also changed a lot recently, hasn't it?


M. B. : Yes, from now on, alongside photo content, video content is being produced for advertising and social networks. It has become an essential part of fashion shootings. You have to adapt to these demands, even if video was not originally something I mastered as much as photography. For example, in post-production, there is more work on the video.


P. E. : What are your projects today?


M. B. : From now on, I would like to pass on my professional experience to students, in the form of occasional lectures - why not? So, when I came back to Esmod, my very optimistic nature made me dream of an ideal that was too abstract... The reality of the world of work, however, quickly woke me up! That's what I'd like to pass on.



P. E. : What advice would you give to Esmod students?


M. B. : Stay curious! You have to be open to everything around you, go to museums, cinemas, etc. It's my curiosity that led me to what I am. You also have to stay positive, never give up in the face of adversity, be tenacious and hold on in this environment that doesn't always give you any gifts. You shouldn't be afraid to go knocking on doors either, there's no shame in having the nerve. And also, you have to speak English! Today's fashion world is international and without fluent English you can't do anything.

Finally, the fashion and luxury goods industries are very competitive. So, you have to be not just good, you have to try to be the best!


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