« J’espère que je vais réussir à tout faire » confesse Nicolas Fafiotte qui malgré l’intense activité qui anime son atelier situé rue du Plat, dans la Presqu’île, à Lyon, a accepté aussitôt de nous répondre par téléphone avec une gentillesse et une simplicité désarmantes. Pourtant l’activité est intense. L’entretien est parfois interrompu par les demandes qui assaillent de toute part le designer de 46 ans né à Oyonnax.
Pour sa marque éponyme fondée à Lyon en 2002, le designer doit en effet gérer, avec son équipe de 5 couturières, une myriade de commandes : des robes de mariée et de soirée conçues pour une clientèle fidèle. Et il est, depuis quelques semaines, le président du Village des Créateurs, importante association lyonnaise fédérant les marques de mode de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nicolas succède au regretté Max Chaoul qu’il a bien connu. « J’ai débuté ma carrière auprès de lui après l’obtention de mon diplôme Esmod » rappelle-t-il avec émotion.
Tout s’est accéléré ces derniers mois. Une émission grand public a provoqué cet emballement. Pas n’importe quelle émission puisqu’il s’agit de l’élection de Miss France. L’édition 2021, diffusée mi-décembre, a fait un carton plein : quasiment 9 millions de spectateurs réunis devant leur écran pour déguster avec jubilation ce spectacle qui prodiguait sans modération, en ces temps bien moroses, un peu de rêve et de paillettes bienvenus. Le show signait son meilleur score de la décennie.
Nicolas, qui avait confectionné les robes de soirées des 29 prétendantes (robes sur mesure que les candidates ont pu emporter chez elles), a largement profité de cet engouement collectif. Son nom a largement été cité durant toute la soirée. Il faut dire que le couturier travaillait depuis longtemps avec le comité Miss France : il avait notamment créé en 2001 le fourreau de Sylvie Tellier, alors étudiante en droit et par ailleurs Miss Lyon, pour le concours national qu’elle a gagné. La lauréate lui en avait gardé une profonde reconnaissance : « Les Miss France sont injoignables les premières semaines. Et puis un jour, je la vois arriver sous mes fenêtres dans sa voiture et sa couronne de Miss qu’elle brandit en me disant « c’est grâce à toi ! ».
Mais cette année, cette collaboration a pris une tournure différente puisque Nicolas a été propulsé partenaire officiel du concours. Il succède à Pronuptia. Le comité n’a visiblement pas eu à regretter ce choix. Quelques heures avant le show, sur son compte instagram, Iris Mittenaere, présidente du jury avait partagé avec ses 2,6 millions de followers, la spectaculaire et scintillante robe-bustier à cristaux spécialement créée pour elle par Nicolas. « Sa confection a nécessité des centaines d'heures de travail. C'est un vêtement qui met en avant notre savoir-faire ». Les commentaires étaient dithyrambiques. « Les nouveaux producteurs de l’émission, avec Endemol, voulaient quelque chose de plus moderne, de plus sexy pour l’entrée en scène des candidates » résume Nicolas avec sobriété pour décrire son travail ovationné par les admirateurs de l’ancienne Miss Univers.
Les résultats de ce coup de projecteur salué par la presse nationale se font immédiatement fait sentir. L’eshop du couturier est aussitôt saturé de visites. Ses réseaux sociaux crépitent. Les commandes affluent. Bien sûr, les très beaux messages font plaisir à Nicolas et à son équipe, d’autant plus que l’activité de la maison a été fortement impactée par la crise sanitaire qui a vu l’annulation des fêtes et des mariages. Mais le créateur garde la tête froide. Il sait que la vie d’un créateur indépendant est constituée de hauts et de bas. Seul compte pour l’ancien étudiant Esmod (sorti, il faut le signaler, avec le premier prix dans la catégorie « Haute Couture ») la qualité des relations initiées avec ses clientes mais aussi avec ses fournisseurs. Des relations humaines. « Les clientes adorent quand je leur fais visiter mon atelier. Elles sont curieuses des métiers et des savoir-faire, elles aiment voir les heures passées sur la broderie, la fabrication de leurs robes. Avec mes fournisseurs, j’ai également une relation de proximité importante. Il est vrai qu’en région, à fortiori en Rhône-Alpes qui est le berceau de la soie et de l’ennoblissement, le maillage de la filière est très fort sans même parler du dynamisme de la ville avec son Village des Créateurs. »
Une volonté d’humanisme qui s’exprime également dans l’exaltation d’un artisanat précieux. Les dentelles sont labellisées Caudry-Calais, la soie des foulards est bien évidemment coupée dans la sublime soie lyonnaise, les bijoux sont réalisés en partenariat avec des producteurs mexicains rémunérés selon les règles du commerce équitable. Un amour du bel ouvrage que le Couturier espère galvaniser avec le Village des Créateurs qui, rappelons-le, a initié le concours Talents de Mode : « « Il est important pour moi de travailler avec la jeune génération de créateurs de la région, porteuse de sens, afin d’éveiller les consciences et faire évoluer positivement l’empreinte de la mode, de la déco et du design sur la société et l’environnement. Le Village des Créateurs n’est pas réservé aux marques émergentes, mais doit être le point d’ancrage des marques de mode régionales établies pour créer un véritable écosystème d’échanges et d’entre-aide ». La création, pour Nicolas Fafiotte, n'est pas une affaire de profit mais une source de partage.
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