Fort d’une détermination à toute épreuve, Théo Galbert prépare sa deuxième collection masculine flashy, sur fond de rythmes rap turbulents.
Imaginant des modèles et les concevant depuis l’enfance Théo Galbert sait ce qu’il veut. « Au début Je voulais juste être habillé différemment des autres » avoue t-il. Mais confronté au manque de pièces masculines sophistiquées au niveau des coupes, des matériaux et des couleurs, il se met à les envisager puis à les concevoir. Surtout, il ne comprend pas pourquoi les hommes doivent forcément porter des couleurs sombres et des matières simples ou casual. « Heureusement on vit une période qui est en train de bousculer tous les codes préconçus, poursuit-il. Les mentalités évoluent ».
Devant les difficultés qui bloquent son projet initial de créer sa propre maison de couture masculine, il entreprend un cursus de formation spécialisée dès ses 21 ans. Sans jamais oublier son objectif, puisqu’il poursuit la création de ses propres modèles parallèlement. Choisissant une première école très technique axée sur la couture, il s’aperçoit que sa démarche créative n’y est pas vraiment comprise. Ce qui ne l’empêche pas, en plus des cours, de poursuivre ses recherches de tissus, de sourcing pour ses matériaux, mais aussi de fabricants pour ses premières pièces, durant tout son temps libre. « Dans cette école, je me suis aussi rendu compte que la partie création, au niveau du stylisme, était beaucoup moins travaillée ». Sa frustration augmente. Esmod s’impose vite comme un meilleur choix.
Planet Esmod : Pourquoi avoir attendu avant de vous lancer dans des études spécialisées ?
Théo Galbert : J’ai hésité au départ, car suivre une formation c’est un gros investissement. Est-ce que je ne devais pas immédiatement investir dans ma propre marque ? Mais mon envie de mode pointue et haut de gamme m’a fait faire le bon choix je pense. Tant qu’on est pas entré dans un atelier de couture et qu’on n’a pas travaillé en mettant soi-même la main à la pate dans ces métiers très spécialisés, on ne connaît pas le travail, on ne sait pas ce qui se passe !
P. E. : Et ‘ce qui se passe’ correspond à vos rêves ?
T. G. : Evidemment ! ça m’a permis de découvrir que les possibilités sont infinies. Au début, j’étais limité, sans contact pour trouver les bonnes adresses, les ateliers spécialisés, les lieux où sourcer les bons tissus, etc. Aujourd’hui, grâce à ma production -même en petites séries toujours- j’ai accès à un plus large choix de fournitures. Donc je suis moins limité dans ma créativité. Ce qui est excitant c’est de toujours aller plus loin dans la recherche de technicité, dans les mélanges de matières, de techniques, de savoir-faire, etc.
P. E. : On peut dire que ces études de mode vous ont ouvert des horizons ?
T. G. : Bien sûr. Au début je n’imaginais même pas ça comme profession ou un business, mais comme une passion. Ce n’est que maintenant que je sais que c’est un métier qui pourrait me faire vivre, mais aussi avec lequel je pourrais continuer à rêver et à créer. Désormais, je suis en développement constant. Je n’arrête pas de rencontrer de nouveaux contacts, de trouver de nouveaux fournisseurs, de nouveaux ateliers partenaires. Par exemple j’aime énormément ennoblir des matières. Grâce à la broderie par exemple.
P. E. : Justement, comment est apparue cette passion pour la broderie ?
T. G. : Grâce à Esmod, en remportant un concours en 2019 pour un stage de formation à la broderie d’abord. J’ai été sélectionné par Hubert Barrère le directeur artistique de la Maison Lesage. Le confinement a hélas mis un terme trop rapide à cette formation. Mais toujours grâce à Esmod, mon second stage c’est déroulé chez Baqué et Molinié. Un jeune atelier de broderies, fondé par deux entrepreneurs qui emploient des brodeuses en free lance et qui travaillent pour des maisons de couture italiennes et françaises. C’était très enrichissant car j’ai collaboré là sur les pièces de grands créateurs comme Versace, Schiaparelli, Yves Saint Laurent, Louis Vuitton, etc. Pour moi c’était un rêve, car j’ai toujours été fasciné par la broderie. Ma demande de participer à leur métier leur a paru touchante, car très peu des créateurs d’aujourd’hui savent reconnaître la valeur d’une broderie, sa complexité ou son originalité.
P. E. : Où c’est passé votre premier stage alors ?
T. G. : Dans l’Atelier Sara Couture qui fait du prototypage pour les collections de grands créateurs. Un spécialiste en recherche et développement, mais qui fait aussi de la fabrication de modèles pour des marques prestigieuses comme Balmain, Dior, Chanel, Balenciaga, Loewe, Alexandre Vauthier, entre autres. J’y travaille à nouveau actuellement à mi-temps. Pour moi, c’est une autre vision de la mode. Je collabore sur le management, la gestion de collection, le suivi de production, la réception matière, les rencontres avec les clients et les fournisseurs, etc. Pour moi c’est une chance inouïe, car j’ai accès à l’envers du décor de ces grandes maisons. Hors dans ces entreprises, il y a des pôles segmentés à chaque étape de la collection. Ici, le fait de devoir tout gérer à la fois, me donne une vision plus globale de la conception d’une marque. Et comme je développe toujours mes propres créations et mes collections en parallèle, grâce à cette collaboration je peux même parfois me faire conseiller sur certains points.
La mode ce n’est pas des sérigraphies imprimées sur des T-shirts. C’est plus que ça : il faut y mettre du cœur, de la passion, il faut être animé par ça !
P. E. : Quels sont pour vous les point fort de la méthode Esmod ?
T. G. : J’ai vraiment aimé l’ambiance de l’école. Je me suis senti immédiatement à l’aise. L’équipe pédagogique est toujours disponible dès qu’on a des questions. Ça m’a particulièrement servi dans le cadre des concours auxquels j’ai participé à l’extérieur de l’école. L’enseignement est aussi performant dans la mesure ou la plupart des professeurs sont également toujours professionnels, intégrés dans les métiers de la mode. Leur vision reste concrète. Le cursus me semble aussi bien structuré, avec des modules annexes variés, comme l’histoire de la mode ou le management, entre autres.
P. E. : Quels sont vos projets désormais ?
T. G. : La j’ai terminé ma première vraie collection « Las Vegas ». C’est à la fois ma collection de fin d’études et celle de ma marque. Dans une ambiance très ‘show off’, opulente. J’ai eu de bons retours, mais la période du confinement fait que je n’ai pas pu vendre beaucoup de pièces. Comme le style est axé sur des modèles de soirées ou d’événements spéciaux, évidemment en temps de couvre-feu ou de confinement, ça ne fonctionne pas. Mais je ne me décourage pas, car je sais qu’au moment où ça va repartir les gens vont avoir besoin de nouveautés, de faire la fête, de briller. Je compte encore persévérer dans cette voie pour ma prochaine collection. Et j’espère même améliorer cet aspect festif grâce au savoir-faire que j’ai acquis avec mon stage dans l’atelier de broderies. Avec plus de finesse, plus de recherches et de technicité. Je suis en phase de développement de cette nouvelle collection.
P. E. : Êtes-vous confiant dans l’avenir alors que nous avons du mal à sortir de cette période exceptionnellement morose ?
T. G. : Oui. D’abord, j’ai eu la chance d’être sélectionné par l’association Maison de Mode de Lille et Roubaix. J’ai donc ce label qui m’accompagne désormais sous forme de contrat d’affiliation. Normalement, il faut être dans la région des Hauts de France, mais comme ils aiment bien mon travail, ça m’a permis de faire mon premier défilé durant cette période pas facile, en septembre 2020 au Tripostal de Lille. D’habitude plus de 12.000 personnes assistent cet événement et au défilé Maison de Mode, là il n’y avait que 400 spectateurs. Mais c’est déjà très bien en fonction des circonstances. En tous cas, pour moi c’était une expérience très enrichissante et aussi dans le concret, dans le cadre d’un vrai défilé. C’est une aide formidable quand on débute en indépendant. Maison de Mode me conseille aussi dans l’évolution de ma marque. C’est un bon retour professionnel extérieur, un regard qui me guide aussi.
P. E. : En habillant des stars du rap comme Tyga dès 2018 ou Kalash et Gifta plus récemment, vous évoluez dans un créneau très pointu de la mode masculine. C’est un peu segmentant non ?
T. G. : Avec Galbert Couture Paris j’ai choisi un marché de niche. La, il faut persévérer, ça peut prendre de nombreuses années avant de se créer une clientèle et d’être reconnu. Mais moi c’est vraiment ce qui m’anime : les créations d’exception, les choses qu’on ne voit nulle part, en mode comme en accessoires. La mode ce n’est pas des sérigraphies imprimées sur des T-shirts. C’est plus que ça : il faut y mettre du cœur, de la passion, il faut être animé par ça !
P. E. : Quels conseils donneriez-vous aux actuels étudiants d’Esmod aujourd’hui ?
T. G. : D’abord, il faut s’accrocher. C’est un cursus qui demande beaucoup d’investissement personnel. Il ne faut pas compter ses heures. Donc il vaut mieux être passionné par ce secteur dès le départ. Dans mon cas, j’avais déjà une idée de ce que je voulais faire, ça aide. C’est bien de pouvoir se projeter à court ou moyen terme dans la suite des études. Ça permet de ne pas se perdre après l’école. Développer un certain style dès l’école permet aussi de pouvoir intéresser certaines maisons, et donc de trouver du travail plus rapidement. Même juste avoir un métier en tête, côté modélisme ou plus stylisme, ça permet de trouver sa voie immédiatement après l’école.
Et puis il faut s’adapter aux rythmes soutenus. Au début je trouvais étonnant qu’on travaille chez Esmod sur énormément de projets à la fois, je ne comprenais pas pourquoi. Mais dans la vraie vie, on travaille toujours sur des dizaines de projets à la fois. C’est donc logique.
Comments